Gabriel Gaulard

Poèmes


Couverture recueil Aout 2022.jpg

 Réalisation terne et bâclée

  Pris au piège entre un futur hypothétique cancer du foie ou des poumons plus que fatigués qui tirent de plus en plus. Mes dents sautent les unes après les autres. Ivraie trompeuse, ivresse pécheresse dans la détérioration du corps tandis que la cyamémazine s’occupe d’anesthésier mon âme. Libération de courte durée grâce aux faux Éden peu concrets, qui paraissent néanmoins palpables lorsque l’on sonne à leurs portes toujours ouvertes.

  Alors préférer la poésie. La beauté de ces fleurs fanées dans ce vase ébréché, me rappelle de rester un peu fêlé, pour mieux filtrer les lumières nonchalantes d’un soleil, si vieux… Qui vivra boira, eau plate ou gin-to, même si je préfère être lucide, cela n’est pas toujours supportable. Souhaite à l’autre une délivrance, tout en me passant moi-même les chaînes. Fer forgé deviendra rouille au poignet une fois l’ossature à nue.

  Importance soudaine des constructions précaires qui me relient à nos réalités. A la tienne ! A la mienne ? Au cul sec bien baveux sur le rebord de songes intacts d’un zinc crasseux et d’oseille bien artificielle. Aux échos si pleins qui sonnent pourtant creux. Faussaire officiel et non assujetti de futures monnaies qui n’auront jamais court, et aussi loin, encore mieux, toucher au ciel et fracturer les portes ouvertes du paradis en crochetant les serrures de Saint Pierre, pour s’enfuir sans rien emporter une fois le larcin commis. Se faire alors prendre la main dans le sac de sport à pieds de biche. Possibilités exponentielles.

  Réalisation terne et bâclée.

Vent du nord 

  Ces jours-ci, je ne me lève plus que vers les midis et quelques. J’ai été couché trop longtemps, tandis qu’alité, j’en ai perdu toutes les sortes d’horloges possibles. De celles accrochées à nos murs, peinturlurés et statiques, à celles à nos poignets menottés qui s’agitent, jusqu’à ne plus me fier, qu’au son des coups de cloches de la paroisse la plus proche.

  Je retrouve difficilement mon libre arbitre, en ces jours présents, où le vent du nord couvre le tintamarre des cloches. Je me suis trop enchaîné aux croyances irréelles, d’un monde qui constamment prêche dans le vide auprès d’auditoires inattentifs.

  Je me libère alors des esgourdes fermées aux bouches grandes ouvertes, en laissant, mes opinions closes à cela, et mon esprit critique à jamais flotter sur le flux des vents en liberté.

  J’entendais carillonner les cloches de manière dissonante. J’écoute aujourd’hui volontiers le vent du nord bercer au loin ces dernières, et ce souffle divin qui assèche les terres inondées de salive barbare.

Bête constat. Trois Pages.

Le chant des incrédules,

qui se croient douter par conviction,

me fait doucement marrer.

Quant aux pauvres gens, idiots et brutaux

bêtes et prêts à toutes sortes de concessions

sans même s’en rendre compte…

Ces gens me rappellent ô combien je suis misanthrope

passionné de sociologie aux heures ouvertes des esprits clos

et convaincu par la faculté de l’innocent à s’émerveiller.

Simplement te dire de profiter simplement,

doublon nécessaire pour persuasion accrue,

de te dire simplement de simplement profiter.

Coexistence d’occurrences bienfaisantes

que nous refusons de croire malgré leurs insistances

fumer tue, donc fumons tout. Boire tue, donc…

Il est de bon ton cependant de voir les bonnes volontés

ainsi s’agiter tels des fanions auxquels se raccrocher

quand nous sommes en tort face à nous mêmes.

Et voici l’imbécile qui rigole.

Et voici le sage qui rit avec lui.

Et les incrédules qui les montrent du doigt.

Si l’imbécile se marre, c’est de bon cœur malgré son ignorance.

Si le sage l’accompagne c’est qu’il fait fi de l’ignorance au profit du bon cœur.

Et si cela est mal vu par l’incrédule, c’est qu’il ne comprend rien.

La différence entre l’incompréhension et l’incrédulité est tout de même fine

surtout par les temps qui courent… où les amis se doivent entre eux de penser pareil.

Une ère moderne consensuelle idiote où les mots se mélangent, perdent leurs sens…

Je veux dire : le doute est bénéfique, au profit d’un esprit critique,

mais il faut, par définition, se méfier des certitudes d’une personne incrédule

car si nous refusons de croire, c’est parce que nous croyons déjà ailleurs.

Je compare ici avec l’ignorance, le fait de ne pas croire justement par bêtise.

Une fainéantise où le semblable est rassurant car il ne contredit surtout pas.

Où commence alors et où s’arrête une libre perception de ce qui nous entoure.

Il est confortable et reposant de se conformer à nos croyances.

D’esquiver avec brutalité sous prétexte d’exprimer une satisfaction,

et non un besoin de base… celui de croire.

Croire à la beauté simple des fleurs, au rire sincère d’un ennemi.

Croire aux doutes, croire en la folie, non pas aux séduisants prétextes.

Ne pas toujours aduler une facilité qui regroupe souvent les convaincus.

Bref.

Bête constat.

En trois pages.

Au fait ?

Je lis, j’écris, je baise et puis fume.

Je me relis.

Je pense rature.

Sélection naturelle du verbe. Jouissance organique des corps. Soudain, coup de Trafalgar, il fait subitement mieux vivre. Vite alors je rebois un coup, Maximator diluée à la tequila, pas reposée, j’lui laisse pas l’temps.
Haut le cœur pour bas organes. Les tuyaux ça se bouchent au fil des années. Autant profiter tant que ça coule encore un peu dans le vert (ou dans le verre ?) . Vastes prairies à boire, cul sec, donnant sur des horizons

ivres de belles lectures.

Beaux livres à écrire ? Sans façons, de ne pas le faire. Et puis peu de kopecks. J’y cale des parpaillols dans le porte-monnaie. Tu crois quoi ? Le jour où je pourrai payer avec mes idées je serai sûrement mort depuis longtemps. Mais enfin après tout, que ferais-je de ces millions ? Arf, j’ai bien une idée ou deux… Tiens tu vois ? Encore des idées. Cercle vicieux : moins j’ai d’oseille et plus j’ai d’idées, qui payent pas, donc je bois,

donc moins j’ai d’oseille…

Et toi au fait ? Qu’est-ce tu bois ?

C’est un texte

C’est une obscurité. Ou une lumière. Mais cela se déroule de nuit. Dans la pénombre ses yeux lumineux éclairent. Son odeur est noire, profonde. L’air circule calmement, sûrement. Le bruit s’effrite contre les pales du ventilateur.

C’est une fenêtre de toit, une fenêtre ouverte. Qui laisse peu à peu la nuit partir à travers. Qui laisse peu à peu le jour revenir à travers. L’espace entrouvert, filtre le monde extérieur, l’univers entier à vrai dire. Il n’entre que ce qui a la place d’entrer.

C’est une longueur. Ça prend tout son temps. Le luxe suprême en somme. Les oiseaux peuvent siffler. Les balles de fusils aussi. La terre peut imploser avec toutes ces femmes qui ne restent pas. La guerre peut exploser dans le cœur de tous ces hommes. Oui. Mais ça prend tout son temps.

C’est un matin. Qui arrive enfin. Sa lumière qui crache sur la nuit. Sa vertueuse répétition qui jusqu’à quand ? Peu lui importe, il est là. Toujours au rendez-vous. Et si ce n’est par pour lui ce sera pour elle. Il reste humide ce matin sur elle, la terre sèche.

C’est un café. Son amertume est adoucie par du lait entier. Entier. Entièreté des douceurs non imposables en ce monde. A l’instant T le liquide blanc imbibe la noirceur. Mais cela ne fait pas du gris. Mais du marron clair couleur crème. Le fou mal réveillé peut le boire lentement.

C’est une minute. Sans fin. Que l’on répète à l’infini pour vouloir la stopper. Elle ne se fige pourtant point. Jamais. Elle défile avec une insolence immonde. Mais cela fait aussi toute sa beauté.

Ce sont des cigales. Qui chantent. Qui annoncent que ça va barder. Que le temps n’est plus aux aurores. Cela se tasse finalement. Il faut tourner la page. Les ires ancestrales ne sont pas de mises. Surtout pas.

C’est une odeur. Chaude et suave. Les cheveux blancs poussent quand même. Peu importe ce qui la retient, elle arrive. De manière pertinente elle assène la réalité. Sa réalité. Les cloches sonnent au loin. Il est midi maintenant.

C’est infini. Ni le temps, ni la tasse, ni le vent, rien ne passe, tout s’étale, sur les tartines périmées qui ne se mangent d’ailleurs pas. L’oiseau siffle. Trois fois. Non, il n’a pas compté. Il fait chaud en dehors des corps. Il ne compte pas. Il fait froid en dedans des cœurs.

C’est une idée. Qui rigole quand il pleure. Qui pleure quand il pense. Les contrastes discordants sont aux affûts de la moindre incertitude. Telle une chatte à pas de louve elle se faufile les dents longues et le regard perçant. Et le pire dans cette idée calme et folle, c’est qu’elle persistera quoi qu’il advienne et quoi qu’il en pense.

C’est une fin. Pas une finalité. Juste une formalité. Les contours s’effacent au profit d’un mauvais concours de circonstances aggravantes. L’air y est doux et sent bon. Les fleurs poussent sur ce tertre qui renferme toutes ses certitudes. Et à la fin il n’en reste aucune. Et c’est immensément beau et serein. Cela lui fait du bien, et il peut, enfin, s’arrêter de respirer.

Alerte rouge

Alerte ! Alerte rouge !

On me dit qu’il n’y a plus rien. Nada.

Plus de rouge… A la diète ! C’est niet ! Je donne aussitôt l’alerte générale immédiate au Colonel sans citron. Sec. Car qu’allons nous carafer du coup si point de picrate ?

On alerte vite, dans le vif, plus vite bon dieu ! Je reste alerte diantre que diable! Et sonne alors l’alarme. On épie de près, toujours plus près, jusque dans le verre… Vide de sens et de rouge.

Alerté par cette insolite sécheresse soudaine, on a pris tout le rouge, en vain, c’était des bouteilles poreuses… On sonne donc le tocsin. On doit vite se réveiller.

Alerte quoi ! Sinon, maline et astucieuse, cette boisson délicieuse, qui à elle seule connaît le secret de l’évaporation heureuse, disparaît joyeusement. On l’affirme.

Mais bon sang de bois !

Alerte quoi ! Ce n’est pas heureux mais au contraire malheureux au possible. Triste à en pleurer sans fin. Car qui perd la soif erre alors l’esprit non alerte aux aguets mais sans aucun but. Stérile quoi ! Nul, ineptie perpétuelle des révolutions consensuelles, le néant une fois de plus.

Alerte quoi ! On est prêt à tout ! Tant mieux ! Mais prêt à quoi exactement ? On le demande bien. Sans cesse. On n’écoute surtout pas la réponse. Et on vend des bouteilles pré-vidées qui ne tiennent pas la charge de surcroît ! Infâme dictature du vide, on crie à l’obsolescence programmée des flacons, et ce peu importe l’ivresse.

Alerte mondiale ! La timbale à sec, on s’inquiète pour notre capacité à contenir. Toujours. Sans frémir. Jamais.

Alerte bon sang de bon rouge ! Hein quoi ? Plaît-il ?

Alerte ! Alors ça suffit !

Arrête donc de me faire peur ainsi quand il te reste au frais deux kil de rouge bien frappés, de quoi se pinarder peinard jusqu’à la prochaine accalmie ! Ou du moins jusqu’à sept heures et demi.

Ah bon ? Et oui. Arf, et bien du coup, mea culpa, toutes mes condoléances, l’homme lucide n’est plus.

Fausse alerte.